Guerre des devises : le yuan en route pour détrôner le dollar
La guerre en Ukraine a accéléré les échanges libellés en monnaie chinoise, entre plusieurs pays se défiant des États-Unis. Désormais, le Yuan gagne en confiance auprès des investisseurs qui le voient de plus en plus comme une alternative au dollar américain, dont le statut de monnaie de réserve est de plus en plus remis en question. Sur fond de dédollarisation, la devise chinoise prend de plus en plus d’importance dans les échanges mondiaux. Au point que certains se demandent aujourd’hui si le yuan ne va pas remplacer le billet vert comme monnaie de référence.
Il faut dire que le yuan chinois, ou renminbi, a marqué des points dans sa lutte avec le dollar ces dernières années. En 2022, il était la cinquième monnaie la plus utilisée dans les échanges internationaux, alors qu’il stagnait encore à la 35e place en 2001. La Chine a poussé à cette internationalisation, en créant par exemple le système de paiements interbancaires transfrontaliers (CIPS) en 2015, pour faciliter les paiements transfrontaliers en yuans.
Pékin entend même rivaliser avec Washington sur le terrain des énergies, ou le “pétrodollar” est censé faire la loi. En 2018, la Chine a ainsi lancé les premiers contrats à terme sur le pétrole brut libellés en yuans, pour permettre aux exportateurs de vendre du brut en renminbis. Fin mars, la Chine avait également acheté en yuans 65.000 tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL), exportées depuis les Émirats arabes unis. Une première mondiale.
Le dollar une fragile monnaie de réserve
Le dollar pour sa part continue d’être la devise dominante dans les échanges mondiaux, mais son statut de monnaie de réserve est remis en question. En 2022, la part des réserves de change libellées en dollars est ainsi tombée à 59,8%, contre 72% en 1999, selon le FMI (Fonds monétaire international).
Les investisseurs craignent un usage politique du billet vert, encore une fois entrevu lors du conflit en Ukraine, avec le gel des avoirs de la Banque centrale russe en dollars. Les récentes hausses de taux d’intérêt de la Réserve fédérale américaine rendent par ailleurs le billet vert particulièrement cher pour les emprunteurs étrangers.
En 2022, la directrice du FMI Kristalina Georgieva avait déjà averti que l’augmentation des taux d’intérêt aux États-Unis pourrait se retourner contre l’économie mondiale, en particulier contre les pays dont la dette est fortement libellée en dollars.
De son côté, le yuan lorgne de plus en plus sur ce rôle de monnaie de réserve mondiale. En 2016, la devise chinoise avait ainsi rejoint le panier de devises de réserve du FMI constituant le droit de tirage spécial (DTS). Ce panier est censé compléter les réserves officielles des pays membres; il comprenait auparavant le dollar américain, l’euro, le yen japonais et la livre sterling.
La Russie est l’un des principaux pays à utiliser le yuan comme monnaie d’échange, pour exporter notamment son gaz et son pétrole. Mais d’autres ont aussi tenté l’aventure, comme l’Argentine, qui paie désormais ses importations chinoises en yuans, ou le Brésil qui a récemment signé un accord commercial avec la Chine pour favoriser les échanges en renminbis. En Afrique, l’Égypte souhaiterait aussi sauter le pas.