En raison de la crise sanitaire liée au Covid-19, le Bénin a décidé d’organiser une campagne exclusivement médiatique dans le cadre des élections communales du 17 mai 2020. S’il est demandé aux partis en lice de préférer les voies médiatiques en lieu et place des meetings politiques, on peut également escompter le recours à la puissance de l’intelligence artificielle dans ce type de campagne politique.
En se basant sur les craintes d’une propagation de la pandémie du covid-19, le gouvernement béninois a décidé de privilégier le recours à certains médias dans le cadre de la campagne pour les élections communales du 17 mai 2020. En plus des médias retenus, l’usage de mégaphones portés par des véhicules en mouvement est autorisé de même que l’usage des affiches de campagne pour garantir la visibilité des candidats.
Afin de permettre à tous les partis politiques de disposer du même temps d’antenne, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication précise que des plages horaires sont organisées dans les médias sélectionnés pour la campagne. Cette opération, à la charge de l’Etat, permettra aux candidats de s’adresser aux électeurs vu que les rassemblements sont proscrits.
Cependant, le Dr Qemal Affagnon entrevoit des changements de taille compte tenu du fait que les rassemblements sont annulés dans l’organisation de cette campagne.
De fait, le Dr Qemal Affagnon estime que la politique est fondamentalement une question d’interaction entre les politiciens et leurs électeurs. Par conséquent, le Dr Qemal Affagnon pense que la tenue d’une campagne exclusivement médiatique provoquera des bouleversements dans la façon dont les candidats vont frapper aux portes des électeurs pour la mise en place du volet commercial de leur stratégie politique.
Dans ce contexte particulier, les cinq partis politiques en lice misent par exemple sur l’usage de pages ou groupes satellites sur les réseaux sociaux. Depuis le début de la campagne, on peut ainsi voir de nombreux messages et affiches plusieurs fois par jour sur Whatsapp et Facebook.
Sur une application telle que WhatsApp qui permet la circulation de messages audio dans les langues nationales, les candidats des cinq partis politiques en lice tenteront de séduire les mobinautes béninois depuis les confins du net.
Même si la HAAC ne prononce pas véritablement sur le recours aux réseaux sociaux dans le cadre de la campagne pour les élections communales du 17 mai 2020, le responsable Afrique de l’Ouest d’Internet Sans Frontières estime que la campagne politique va également se dérouler sur les canaux digitaux. A ce sujet, le Dr Qemal Affagnon déclare : « Je pense que Facebook et WhatsApp répondent à des réalités culturelles de partage et d’échange au Bénin mais il existe des risques liés à l’usage de l’intelligence artificielle dans les nouvelles campagnes politiques car il est désormais possible à travers la collecte de données de cibler le profil d’un citoyen grâce à son comportement sur les réseaux sociaux, ce qui permet ensuite l’envoi de messages individuels.»
A l’ère du mobile et des réseaux sociaux, ce type de campagne médiatique constitue ainsi du pain bénie pour Facebook.
Au Bénin par exemple, la firme de Menlo Park qui est propriétaire de Facebook , Messenger et Whatsapp s’active dans la mise en place du ciblage publicitaire et dans la traduction en langues africaines de la plateforme au logo bleu. Le réseau social en profite pour intégrer une multitude de langues populaires au nombre desquelles on retrouve le Peul et le Haoussa sur sa plateforme par exemple.
En dehors de la publicité et de la traduction en langues africaines, Facebook s’investit également auprès des entrepreneurs. Le réseau social bleu a ainsi lancé son programme Boost. Ce projet offre à de jeunes chefs d’entreprise des sessions de formation gratuites axées sur le marketing digital.
A l’heure actuelle, le projet Boost repose sur un partenariat avec une centaine d’entreprises et d’institutions. Il a été lancé en premier lieu dans quelques pays anglophones à savoir l’Afrique du Sud, le Kenya et le Nigeria. Par la suite, Boost avec Facebook a connu une extension au niveau de six pays d’Afrique francophone.
Il s’agit du Bénin, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée Conakry, de la République démocratique du Congo et du Sénégal. En dehors de l’entrepreneuriat, Facebook encourage également les développeurs d’applications mobiles. Au Nigeria par exemple, l’entreprise de Mark Zuckerberg a signé un accord avec CC hub, un incubateur de Lagos.
Cet accord vise à renforcé son soutien et sa présence auprès de l’écosystème des développeurs africains. Toutefois, il semble que Facebook se sert des applications mobiles qui ne respectent pas toujours son propre règlement concernant les données privées.
En Ouganda par exemple, la lumière vient d’être faite sur certaines pratiques douteuses de Facebook. Dans ce pays où, les élections prévues l’année prochaine pourraient se tenir en 2023 en raison du coronavirus, Facebook procède à la collecte secrète des informations des ougandais au travers de l’application mobile Safeboda.
Cette application fonctionnant sur tout type d’appareil mobile, permet à son utilisateur de solliciter les services d’un conducteur de taxi-moto. Sur Safeboda, le requérant entre son emplacement dans l’application qui permet ensuite la mise en relation avec le conducteur le plus proche de l’emplacement indiqué.
Avec l’application mobile Safeboda, l’utilisateur peut payer le service une fois à destination mais Facebook en profite pour mettre la main sur toutes les métadonnées.
Les données qui sont envoyées sur les serveurs de Facebook comprennent entre autres, l’heure en se basant sur le fuseau horaire, la taille de l’écran du téléphone utilisé, la version Android du téléphone utilisé et l’emplacement géographique de l’utilisateur.
A ce sujet, le Dr Qemal Affagnon pense que si l’application mobile Safeboda envoie la taille de l’écran du téléphone utilisé par son utilisateur, c’est parce que en Afrique, le mobile est roi et Facebook compte mettre en place des partenariats avec des opérateurs mobiles et des agences publicitaires afin de déployer des offres ciblées.
De plus, le responsable Afrique de l’Ouest d’Internet Sans Frontières estime que ce projet démontre la capacité de Facebook à s’entourer d’acteurs complémentaires tout en renforçant sa puissance financière dans une opacité totale.
Quelques jours après le lancement de la campagne au Bénin, on note pour l’heure que seules les sensibilisations sont distillées sur les réseaux sociaux.
Cependant, la fièvre électorale risque de monter progressivement car des images de rassemblement circulent déjà sur les réseaux sociaux malgré les interdictions en vigueur afin de prévenir la maladie du Covid-19.
Léopold KOUMAKO