La situation des émissions de titres par adjudication et syndication sur le marché financier régional reste préoccupante pour le premier trimestre 2023.
Manque de confiance en la signature de certains États de l’Union économique et monétaire Ouest africaine (Uemoa) ? le comportement des investisseurs sur le marché financier régional mérite que les gouvernants accordent plus d’importance aux tendances de la situation des émissions de titres par adjudication et par syndication. Ce qui paraissait fin d’année 2022 comme un désintéressement face aux besoins de certains États de l’Union semble prendre beaucoup plus d’ampleurs au premier trimestre 2023.
Alors qu’au trimestre précédent, le Mali n’a pas couvert une émission en décembre, en janvier 2023, ce sont trois pays : Togo, Guinée Bissau et le Mali qui ont manqué de lever l’intégralité des montant d’adjudication. Les taux de couverture variant entre 80 et 91%. Pendant ce temps, le Burkina Faso a simplement annulé le 18 son émission le jour-même de l’adjudication. La Côte d’Ivoire a fait la même chose malgré son émission de court terme le 31 janvier. Les autres pays s’en sont sortis en couvrant à peine leurs émissions au cours de la même période.
Faible intérêt aux adjudications
Il semble que les investisseurs opérant sur le marché financier de l’Union montrent de plus en plus un faible intérêt à l’adjudication de la plupart des pays de l’Uémoa. La situation s’est empirée au mois de février. La Côte d’Ivoire a manqué par trois fois de couvrir ses émissions. Certains parlent de débâcle le 28 février alors que l’émetteur ivoirien a dû se résigner à se contenter de faibles propositions en retenant seulement 22 milliards sur 85 milliards recherchés.
Le 7 février, le pays a relevé des coupons avec un rendements élevés. Malgré la couverture de l’émission, seulement 62 milliards sont retenus sur 3 mois et 3 ans. Une semaine plus tard, le pays est revenu sur le marché dont le resserrement s’est accentué. Bien que la Côte d’Ivoire soit positionnée sur le court terme, elle n’a pu retenir que 44 milliards alors qu’elle recherche 65 milliards. Le 17 février, l’émission du Sénégal est couverte, mais son rendement est élevé. Par ricochet, seulement 34 milliards sont retenus au prix marginal de 9 500.
En ce mois de février, bien que le Bénin soit resté sur les mêmes niveaux de coupons que le 26 janvier 2023, son émission est couverte avec des rendements à la baisse par rapport au prix marginal de 9 800. Le Bénin de Patrice Talon a réussi à lever des fonds avec un taux de couverture de 361% et un taux d’intérêt plus bas que les sept autres pays de l’Union.
Le mois de mars a démarré l’annulation d’émissions par le Burkina Faso et le Niger. Puis la Guinée Bissau suit avec un taux de couverture extrêmement bas jamais réalisé. Aucun des 21% de couverture ne sont retenu. Sur l’ensemble du mois, seulement deux émissions sont couvertes à peine. La Côte d’Ivoire à même réalisé une contre-performance à faire pâlir : 10%.
Méfiance des investisseurs ?
Malgré un taux de rendement moyens de de l’ordre de plus de 6%, les investisseurs semblent se méfier de la plupart des émissions par adjudication. Le Bénin et le Sénégal n’ont pas recherché de fonds par adjudication sur le marché communautaire au cours de ce mois de mars.
Au 03 mars 2023, trois pays ont fait des émissions par syndication sur le marché financier sous régional. À la recherche de 150 milliards chacun, seules les adjudications en faveur du Bénin sont couvertes. Le pays a clôturé cette opération par anticipation avec succès le 03 février sur un taux de couverture de 110%. Le montant levé est de 165 milliards pour des maturités de longs termes de 5,7 et 6,2% de taux d’intérêts.
Contrairement au succès franc des émissions par syndication du Bénin sur le marché de titres de l’Uémoa, les deux autres pays que sont la Côte d’Ivoire et le Sénégal n’ont pas réussi à lever de fonds. La Côte d’Ivoire a prorogé son délai pour non couverture du montant malgré le taux d’intérêt plus élevé que celui du Bénin sans obtenir grand-chose.
Le défis des gouvernants
La situation du margé financier de l’Uémoa est caractérisé par un resserrement de la politique monétaire à la faveur des hausses successives des taux directeurs en vue de baisser l’inflation. Le contexte actuel du marché est par ailleurs marqué par la suppression de la mesure de refinancement à taux fixe par les banques aux guichets Bceao prise pour assurer la liquidité bancaire en raison de la crise de la covid-19. La situation économique est également marquée par le retour des adjudications à taux variables sur les guichets hebdomadaire et mensuel, de même que la fin de la couverture intégrale des besoins de refinancement exprimés par les banques.
Le comportement des investisseurs sur le marché financier sous-régional devrait préoccuper les ministres de l’Économie et des finances des huit pays membre de l’Uémoa, qui se réunissent le 31 mars en réunion ordinaire. De recommandations pourraient être adressées à la Bceao en vue d’améliorer la situation financière du marché régional. La hausse du taux directeur à 3% début d’année en aurait pour quelque chose dans cette situation ?
Mieux, il ressort des observations que les investisseurs ont de plus en plus une propension à investir sur des émissions provenant de leurs pays d’origine au détriment du marché régional. Pour illustrations, le 14 mars, le Burkina émettait des titres pour un montant de 30 milliards. Cette émission a reçu des offres de 10,76 milliards dont 10,24 milliards émanant des investisseurs locaux. Le 16 mars, le Niger retenait 34,6 milliards dont 34 milliards provenaient des investisseurs nigériens.
À noter que le Marché des Titres Publics est l’unique marché régional, par adjudication, exclusivement dédié au financement des États membres de l’Uemoa.